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Un air de Chicago souffle sur Perly…

© Pierre Albouy
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© Pierre Albouy

Au fil des mois, nous apprenons, par les médias, que Perly enregistre une recrudescence d’actes de violence à Perly : 4 arrachages de sac sur personnes âgées, du 29 juillet au 13 octobre, et deux agressions contre des jeunes, les 10 et 16 novembre.
Devant la gravité de ces faits, la commune de Perly a organisé une rencontre avec les citoyens et des représentants de la police, mercredi 20 novembre, à 19h30. En tant qu’habitante de la commune depuis 1979, et d’un âge devenu certain, je me sens particulièrement concernée.
A 19h20, la salle polyvalente est déjà pleine. On ajoute des chaises. A la fin, nous sommes plus de 350, environ 10% de la population perlysienne, essentiellement des personnes âgées, dont 80% de femmes, et une vingtaine de jeunes, qui se tiennent debout, au fond.
Une table constituée de neuf hommes fait face au public : les trois membres de l’exécutif, Steve Delaude, maire, Christian Gorce et Fernand Savigny ; six représentants de la police : le major Luc Broch, chef de la police de proximité, le lieutenant Giovanni Martinelli, coordinateur de prévention au sein de la police de proximité, le lieutenant Olivier Valceschini, responsable de service au sein de la Police municipale de Plan-les-Ouates, le sergent-major Yves Grugger, responsable du poste de Carouge et deux îlotiers. Le maire introduit la séance, puis passe la parole au major Luc Broch, de taille impressionnante. Tableaux à l’appui, il nous donne des informations sur le rôle de la police : lutte contre les infractions routières, les délits, le bruit, les stupéfiants, rappelle qu’on a découvert un kilo de résine de cannabis à Perly il y a un an, parle de la convention entre Plan-les-Ouates et Perly-Certoux, puis des contacts fructueux avec la police de Saint-Julien.
On nous donne aussi quelques conseils de base : fermer son sac et le porter en bandoulière, ne pas avoir trop d’argent sur soi, mettre son porte-monnaie dans une poche intérieure, ne pas exhiber son téléphone mobile.
On passe aux questions du public. Quelqu’un cite l’interview du maire de Saint-Julien, Antoine Vielliard, parue dans la Tribune de la veille. Il s’étonne que la police genevoise n’ait pas réquisitionné les images des caméras de vidéoprotection françaises. On nous répond que les faits ont eu lieu à Perly. Mais peut-être les images auraient-elles montré des groupes suspects ? De toute manière, cela relève de la police et de la justice. On veut savoir s’il y a eu des arrestations, le major n’a pas le droit de répondre sur une affaire en cours, qui relève désormais du Ministère public.
Deux personnes observent la salle, apportent le micro à qui demande la parole, une majorité d’hommes, malgré leur proportion réduite, qui ont eu un rôle d’observateur, alors que les femmes ont été elles-mêmes victimes de menaces ou de violences. Le mot qui revient le plus souvent dans leur bouche est « peur ». Peur de sortir de chez elles, peur de marcher dans la rue, de passer par le chemin du Cimetière, d’aller à la poste, de prendre le bus…
Après chaque intervention, c’est le major Broch qui prend la parole, répond longuement, d’une voix monocorde, à tel point qu’au milieu de la soirée, un intervenant dira, pour le désigner, « celui qui parle tout le temps ». Il explique que la police prend les choses au sérieux, qu’elle a pris des mesures, multiplié les passages en voiture. Des enquêteurs de sécurité en civil parcourent les rues, elle a des contacts réguliers avec la gendarmerie de la frontière, ce qui a permis de mettre sur pied des patrouilles mixtes. Soudain, une femme lance : « C’est du bla-bla, tout ça ! », se lève et s’en va.
A plusieurs reprises, il est question du n° d’appel 117, le réflexe à avoir quand on remarque un rassemblement suspect ou des actes répréhensibles. L’énoncé de ce numéro fait l’effet de la muleta devant le taureau. Les mains se lèvent de plus belle, des hommes et des femmes racontent leur expérience, avec force détails. D’abord, on tombe sur un répondeur : « Si votre appel n’est pas urgent, tapez sur 1, sinon, restez à l’écoute. » Le problème, c’est que le message tourne en boucle, avant que quelqu’un finisse par répondre. La personne explique la situation : des jeunes en train d’embarquer un scooter, un groupe menaçant, devant l’immeuble, ou le début d’une bagarre… A l’autre bout du fil, le préposé demande des détails, puis dit qu’on va envoyer une patrouille… qui arrive 20’ ou 40’ trop tard. Une femme, au bord des larmes, raconte que quand elle a fait le 117, on ne l’a pas prise au sérieux, et qu’après, un jeune homme a été agressé. Il est là pour en témoigner : on lui a cassé une dent, son Å“il le fait encore souffrir… C’est inadmissible, s’insurge le major Broch, qui prendra contact avec le service concerné.
Même si l’écoute du côté des autorités est attentive, on assiste à un dialogue de sourds. D’un côté, on expose les mesures prises et la fonction du 117, de l’autre, une dizaine de témoignages répètent que ça ne fonctionne pas. Le sentiment d’angoisse est palpable. Certains s’échauffent, veulent s’acheter une arme, d’autres parlent d’organiser une milice pour faire des rondes, des jeunes de Plan-les-Ouates proposent de prêter main forte aux jeunes de Perly contre les délinquants de Saint-Julien. L’homme au micro traverse la salle en courant.
Imperturbablement, le major Broch rappelle la loi, la séparation des pouvoirs, les mesures qui se veulent pédagogiques. Il déconseille aux habitants de s’armer, parce c’est illégal. Mais des jeunes utilisent des tasers… Ce sont des délinquants. C’est ce qui les différencie des gens honnêtes…
Les gens honnêtes bâillent, se tortillent sur leur chaise. Cela fait deux heures qu’on tente de les rassurer par de belles paroles… Je me demande si les personnes qui vont repartir se sentiront mieux protégées. Un arrachage de sac ne prend que quelques secondes, une agression, quelques minutes. Même prévenue, la police arrivera trop tard. Il faut donc prendre garde à soi, à ses affaires, et espérer que les délinquants qui nous pourrissent la vie seront mis hors d’état de nuire. A l’apéro, un bruit court que Cécile Amaudruz était là, parmi le public, et qu’elle est partie au bout d’un moment.

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Photo du profil de Huguette
Huguette Junod s’intéresse très tôt à l’écriture. À douze ans, elle gagne un concours radiophonique pour adultes ; dès l’âge de treize ans, elle publie des contes puis des articles dans différents journaux. Pendant 33 ans, elle est professeure de français à l’école secondaire genevoise, où elle fait connaître la littérature romande. Parallèlement, elle anime des ateliers d’écriture et organise des manifestations culturelles. En 1987, elle fonde les Editions des Sables. Elle a touché à tous les domaines : le journalisme, la chanson, le théâtre, la publicité, la poésie, le récit, la fiction, l’essai, et publié une vingtaine d’ouvrages. Huguette Junod a obtenu le Prix des Écrivains genevois en 1986 pour le récit Ceci n’est pas un livre et en 2008 pour le poème Le Choix de Médée. Depuis janvier 2013, elle écrit chaque semaine une chronique féministe dans « Gauchebdo ».

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