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Interview exclusive de l’artiste des Avanchets Shah Rick

Interview exclusive de l’artiste des Avanchets Shah Rick

Shah Rick, que représente le quartier des Avanchets à vos yeux?

C’est le quartier qui m’a vu naître un 7 septembre. Je suis né le même jour que le rappeur gangsta Eazy-E du groupe Niggaz With Attitude. Le 7 septembre est aussi le jour où le légendaire Tupac Shakur s’est fait tirer dessus. Les Avanchets, que l’on appelle aussi Los Avanchez, en référence à Los Angeles, ou 220 par rapport à son code postal, est un endroit sympa pour grandir. Tout est à proximité, le centre commercial, l’aéroport, l’aérogare, les écoles.

Il y a 9 ans déjà, en 2005, vous aviez participé musicalement à une émission de Temps Présent intitulée « Quand je serai grand je serai chômeur ». Quelle est votre perception de la situation économico-sociale actuelle du quartier des Avanchets?

Quand j’étais petit, il y avait beaucoup de Suisses et de fonctionnaires internationaux dans le quartier. On pouvait qualifier le niveau socio-culturel de médian. Puis, dans les années 90, les politiciens ont choisi de « chasser » tous les habitants dont le salaire dépassait un certain niveau. Ces locataires, ont été remplacés par des gens qui dépendaient de l’hospice général. Du coup, les politiciens ont réussi à ghettoïser les habitants du quartier à cause d’une politique qui se voulait sociale mais qui en réalité était une politique de nivellement vers le bas. Cette décision a été un échec. Personnellement, je crois beaucoup plus à la mixité sociale qu’à la ghettoïsation. Les lieux ont commencé à se dégrader, le centre commercial tombait en ruine. Juste avant les années 2010, la crise du logement a changé les choses. Le Genevois ne pouvait plus faire la fine bouche. Même s’il était issu d’une classe économique plus élevée que la moyenne des habitants du quartier, il a cessé d’hésiter à venir s’installer aux Avanchets. Aujourd’hui, on trouve de tout et les habitants ont fait le nécessaire pour reprendre les choses en main à travers le contrat de quartier. Le centre commercial a été rénové et des partenariats, tels que l’aide aux personnes âgées par les jeunes, ont été mis en place. L’équilibre a été rétabli et c’est grâce à l’autodétermination des habitants.

Vous avez grandi dans ce quartier populaire et êtes titulaire d’un Master en science de l’éducation. Pensez-vous que le potentiel des jeunes des quartiers est encore largement sous-exploité?

De manière générale, il ne faut pas s’attendre à ce que l’on nous offre du travail. C’est aux jeunes d’aller le chercher ou de le créer. Les jeunes ont évidemment du potentiel rien que grâce à leur jeunesse. Ils ont une vitalité qu’ils n’auront plus dans quelques années. Pour pouvoir avancer, il faut briser les chaînes qui nous retiennent. Personne n’interdit à un jeune, qui ne trouve pas de travail, de partir à Montréal ou à Dubaï. Personne n’interdit de rentrer dans une bibliothèque pour lire des livres de développement personnel. Il faut cesser de rejeter la faute sur les autres et de tenir des discours victimaires. Il est peut-être justifié de se dire que la société ne tourne pas rond mais on ne peut pas passer sa vie à se plaindre et à tourner comme un lion en cage. Il faut prendre son destin en main et se créer des opportunités soi-même. Si la société dit que l’échec est une fatalité, moi, je dis que l’échec est une opportunité !

Quels sont les principaux messages que vous souhaitez transmettre au public?

Étudions le fonctionnement du système. Organisons-nous car l’union fait la force. Chacun a des compétences qui diffèrent de celles de son voisin. C’est en mettant les esprits en commun, que l’on arrivera à faire de grandes choses. C’est pour ces raisons que l’Office Cantonal de l’Emploi m’a contacté pour écrire un texte de rap pour les jeunes. C’est pour ces raisons que le Genève-Servette Hockey Club a participé à mon clip intitulé « Vaincre ou Mourir ». Aujourd’hui, je prépare la sortie de mon septième projet musical. Mon rap est diffusé dans les radios à l’international ; au Qatar, à Toronto, à Athènes, en Floride ou en Australie. Toutes ces choses se déroulent de cette manière parce que j’ai décidé que cela devait se passer ainsi, même si parfois le chemin est rempli d’obstacles. Je veux faire partager ma philosophie au plus grand nombre possible de personnes.

Parlez-nous un peu de la sortie de votre prochain single « Seul contre tous ».

Ce morceau a été composé par Yvan Peacemaker, producteur de Stress. Le chanteur R&B parisien, Jango Jack, chante le refrain. Le morceau reflète la positivité à travers son rythme et ses sonorités funky. Pourtant, le message fait réfléchir car, en gros, je dis que l’on est tous les esclaves de quelque chose. Le but étant de se défaire de ce statut d’infériorité. Ce morceau représente la victoire de l’oppressé sur l’oppresseur. C’est l’émancipation de l’esclave sur l’esclavagiste. « Seuls contre tous » pourrait être défini par le dicton: «Post Tenebras Lux » : après les ténèbres, la lumière.

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7 commentaires

  1. C’est un témoignage très positive, qui donne l’énergie et la force de surpasser des obstacles et créer quelque chose nouveau.

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  2. Bravo ! C’est tout à fait vrai ! Il faut rien attendre du système, on peut faire et construire notre avenir seul ! Il faut arrêter de se considérer comme victime et quémander à nos oppresseurs sans cesses.

    Kemi Seba en parle beaucoup, je vous conseille de lire son dernier livre  » Supra-negritude  »

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  3. Cet artiste du monde du rap possède une réelle intelligence et un sens critique qui manquent à bon nombre de ses congénères bling-bling qui ne s’expriment que par des mots très simples. Merci de relever le niveau et de nous présenter des personnages qui devraient être mis plus en avant!

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  4. Tant de vérité dans ces propos toujours aussi motivants. Des propos qui touchent davantage quand on s’y reconnait et s’y identifie. comme le dit le proverbe italien: À force de vivre dans l’espérance, on meurt dans le désespoir. Espérer c’est bien mais agir c’est mieux.
    Bonne continuation à vous

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  5. J’avais suivi l’actualité de Shah Rick il y a quelques années. Franchement, le discours est intelligent et motivant. J’avais bien aimé son morceau ‘Vaincre ou Mourir’ et je me réjoui de découvrir son nouveau projet. Bravo encore pour tout le boulot au près des jeunes ainsi que pour ces analyses.

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