Un curieux journal nommé «Le Petit Perlysien»

Rencontre avec Robert Dudley-Martin, extravagant rédacteur en chef du «Petit Perlysien» et unique plume du journal. Un passionné

Rude concurrence pour le «Trait d’union», bulletin officiel de la commune et paraissant quatre fois par an, «Le Petit Perlysien», journal indépendant consacré à la vie associative de la commune, paraît, lui, dix fois par an. Broché, une vingtaine de pages tirées sur papier recyclé à l’imprimerie Pot Sàrl, truffé de petits articles, de mots croisés et de petites annonces, le canard de Perly est une petite merveille d’initiative personnelle et citoyenne. Car rien, si ce n’est un concours de circonstances, n’obligeait son unique rédacteur, Robert Dudley Martin, à reprendre les rênes de ce journal, né en 1962 sous l’impulsion d’un facteur de Perly. «A un moment de ma vie professionnelle, je me suis retrouvé au chômage et le rédacteur de l’époque, Christian Duclos, cherchait du monde pour l’aider. Comme je déteste rester inactif, j’ai fait mes premières armes au Petit Perlysien », dit Robert Dudley-Martin. Une expérience qu’il s’obstine à poursuivre depuis dix-huit ans, dont onze seul aux commandes. Mais comme les temps sont durs et que Robert Dudley-Martin a un métier à côté (gestion de carrières), il va probablement cesser cette activité éditoriale. «Cela me prend beaucoup de temps, au bas mot une semaine pour chaque numéro. Mais j’irai en tout cas jusqu’au numéro 500», assure-t-il, le sourire en coin. Reste encore aux administrés de la commune encore une trentaine de numéros avant que la décision du rédacteur en chef n’entre en vigueur.

Gratuit, Le Petit Perlysien vit des dons des habitants et de quelques menues publicités insérées çà et là dans les pages. Le rédacteur, qui produit le journal de A à Z, a longtemps poussé les Perlysien à lui fournir des articles, mais peine perdue, seules quelques recettes de cuisine lui sont envoyées de temps en temps. «Les gens sont timides, explique celui qui vit à Perly depuis vingt-trois ans, mais on m’envoie aussi des photos.» Alors, c’est lui qui écrit. Sur tout et rien, l’arrivée des cigognes à Perly, en provenance de Dakar, l’ambiance au festival des Failles. Du microlocal, on vous dit. Pourtant, cette situation n’a pas toujours été telle: «Quand j’ai commencé à travailler pour ce journal, j’appelais les gens à m’envoyer des articles. Un jour, une dame m’en a envoyé un et m’a écrit de le jeter à la poubelle si je ne l’appréciais pas. Je lui ai répondu que je ne le ferais jamais, étant donné qu’elle s’était donné la peine de l’écrire, et j’ai demandé à la rencontrer. En fait il s’agissait d’une mamie de 95 ans avec 65 ans de mariage au compteur! Par la suite, pendant cinq ans, j’ai reçu tous les mois son article sur mon bureau. Le pire, c’est que j’ai parfois dû la censurer… elle se lâchait à des confidences sur le sexe!»

Le rédacteur en chef, lui, se définit comme «un pur produit du débarquement en Normandie. Mon père n’a pas été fait prisonnier par les Allemands, mais par ma mère», explique-t-il. Pour autant, Robert Dudley Martin adore sa commune. Et quand c’est le cas, «on ne peut pas rester les bras croisés», alors, celui pour qui «l’écriture a toujours été ma bête noire, à l’école» a pris sa plume et raconte, numéro après numéro, ce qu’il s’y passe. Il peaufine la mise en page et c’est une habitante du village qui assure la distribution des 1500 exemplaires du Petit Perlysien . «Evelyne Sauge sillonne Perly et Certoux avec son chariot. Elle m’a toujours assuré que le canard était très attendu des habitants.» Normal, il est gratuit. Une aubaine pour les habitants des communes de Perly-Certoux.