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Les Rois de Genève

La salle des Rois.© Maryelle Budry Bâtiment de l'Exercice de l'arquebuse et de la navigation.© Maryelle Budry Le pont de la Coulouvrenière tire son nom de la coulouvrine,  un très lourd fusil.© FK
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Le pont de la Coulouvrenière tire son nom de la coulouvrine, un très lourd fusil.© FK

Rue des Rois, Cimetière des Rois… pourquoi honorer des Rois dans la plus ancienne république européenne ? Et en plus, à la Jonction, quartier toujours populaire, anciennement ouvrier ? Il suffit de chercher et ce que je découvre est assez ahurissant.
Depuis toujours, Genève, petite ville riche et indépendante, veillait à sa garde. Et les habitants qui s’exerçaient à bien tirer contre les ennemis éventuels peu à peu y prirent goût pour le simple plaisir de viser juste. Dès le Moyen-Age, ils étaient armés de très lourds fusils, appelés coulouvrines, maniés par des coulouvriniers… On s’en souvient à la Rue et au Pont de la Coulouvrenière. Ils s’exerçaient dans cette zone éloignée du centre ville. Ou plus loin dans la campagne, proche du Cologny actuel, si l’on en croit le célèbre tableau de Konrad Witz « La Pêche miraculeuse ». Ce retable daté de 1444 constitue la première représentation de Genève et de ses environs. On y distingue une équipe de coulouvriniers en exercice. Les termes d’arquebuse et d’arquebusiers étaient plus ou moins synonymes, avec des nuances de poids et de tailles des armes (Rue de l’Arquebuse…).
Mon ami le guide de Carouge et Genève, Ariel Haemmerlé, m’a prêté un livre précieux : « Les Exercices de l’Arquebuse et de la Navigation hier et aujourd’hui », ouvrage publié en 1999 à l’occasion du 525ème anniversaire du premier document d’archive citant « le jeu de la Couleuvrine », en1474. Il est rédigé par David Hiler, historien, peu de temps avant son élection au Conseil d’Etat.
Ce document d’archive évoque déjà la distribution trois prix : un pour les Archers, un pour les Arbalétriers et un pour les Coulouvriniers, prix distribués à condition de trouver de nouveaux Bourgeois pour les payer . « C’est ce que l’on appelle une gestion rigoureuse des deniers publics, doublée d’une pratique libérale de la naturalisation », écrit malicieusement David Hiler. L’histoire passionnante de ces diverses confréries organisant des concours de tirs nous prouve qu’elles sont au coeur de la vie politique genevoise. Par exemple, en 1515, Philibert Berthelier, futur héros et martyre de l’indépendance genevoise, est chargé par les autorités de trouver un lieu pour le tir et d’y faire construire un stand couvert. Il déniche un pré situé au lieu dit des Arénières, près de l’Hôpital des Pestiférés, actuellement cimetière des Rois. Quand vient la Réforme et le régime théocratique, les sociétés d’ Arquebusiers s’opposent à Calvin et aux lois restrictives, n’assistant pas aux prêches du dimanche et buvant sec. Un de leurs chefs, Jean Philippe, sera même exécuté, mais les sociétés de tir continuent à se développer. Entre autres en organisant des concours, avec le « coup du Roi » réservé aux citoyens et bourgeois. Le Roi du concours de tir garde le titre durant une année et organise des fêtes toujours plus somptueuses. Il porte une couronne et est accompagné dans tous ses déplacements officiels par une fanfare et un banneret. De plus, il est exempté d’impôts.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les réfugiés français affluent avec leurs fortunes et surtout leurs savoirs. Genève devient plus riche, grâce à l’horlogerie, à la bijouterie, aux indiennes. Les différences économiques sont plus marquées. La cérémonie de la Royauté devient de plus en plus ostentatoire. Mais le public, soit la population laborieuse, adore ce genre de spectacle. Sur le lac, on construit des galères et des frégates, et on instaure aussi des Jeux nautiques. Les marins rejoignent les arquebusiers, et organisent aussi des fêtes royales aux Pâquis. Malgré tous les aléas des révolutions et des changements de régimes au XIXe siècle, les « Exercices de l’Arquebuse et de la Navigation » perdurent et restent populaires, jusqu’à la révolution de 1846. L’atmosphère se démocratise alors et l’institution du Roi tombe en désuétude, sans que le goût du tir et des concours ne s’amoindrisse pour autant. La société se dote d’un nouvel établissement à Saint-Georges sur la commune de Lancy, puis d’un hôtel-musée dans le quartier de la Coulouvrenière. La première pierre est posée en 1898. Le bâtiment comprend alors outre de belles salles d’exposition, des stands de tir et des jeux de quille, un restaurant, une salle de fête et de bal. Les Exercices, souvent contestés, surtout en 1968, perdurent et existent toujours au XXIe siècle ! Les femmes y ont même été admises en 1978. Regardez leur site (www.arquebuse.ch) pour en savoir plus que ce trop bref résumé et suivez-nous pour la visite du bâtiment de la Coulouvrenière, avec son restaurant « Les sales Gosses » lors d’un prochain article.

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1 commentaire

  1. Merci pour cet article très instructif.
    Pour ce qui est des photos, attention, le pont photographié est le pont sous-terre, pas le pont de la Coulouvrenière qui se trouve, lui, sur le trajet du tram 15 entre St-Gervais et l’arrêt du tram « Stand ».

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