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Au coin de la table avec Christian Gregori: « l’acteur, premier rempart contre la barbarie »

Au coin de la table avec Christian Gregori: « l’acteur, premier rempart contre la barbarie »

Né à Carouge mais enfant du Grand-Lancy, l’élégant comédien Christian Gregori avoue être très pointu sur l’apparence vestimentaire. Il possède trois passeports : italien pour le papa, anglais du côté maternel dont il a hérité l’humour et la mentalité britanniques – grand fan de foot, son cÅ“ur penchera plutôt pour l’Angleterre face à l’Italie ! – et enfin suisse, revendiquant son côté très genevois puisque c’est au Collège de Saussure qu’il a obtenu sa matu en 1982. C’est là qu’il attrapera le virus du théâtre grâce à un professeur, passionné et passionnant, François Truan : « A cette époque, je faisais partie de deux troupes amateures. Celles des Collèges Sismondi et de Saussure, se souvient Christian Gregori, c’est dans l’une d’elles que j’ai rencontré celle qui deviendra la réalisatrice Léa Fazer et qui m’a présenté Naftule, déjà recruteur de talents et formidable directeur d’acteur.» En 1983, Il partage l’affiche de la pièce « Topaze » mise en scène par Pierre Naftule et Léa Fazer avec, notamment, Laurent Deshusses, Irène Jacob, Jean-Alexandre Blanchet et la regrettée Ariane Ferrier, tous au début d’une carrière prometteuse. « Cette période coïncide, à la fois, avec mon entrée à l’ESAD (école supérieure d’art dramatique), l’assistance à la mise en scène de Pierre pour « Les dix petits Nègres » et mon engagement auprès de Hervé Loichemol. » Raisons pour lesquelles il ne terminera pas cette école formatrice qui ne l’empêcheront pas de jouer dans plus de cent-vingt spectacles depuis 1987, réclamé par des metteurs en scène prestigieux tels que Georges Wod, Philippe Mentha, André Steiger ou François Rochaix. « Aujourd’hui, j’aimerais faire partie d’une troupe, pouvoir travailler sur le long terme, échanger, se confronter, chercher une vérité commune. Paradoxalement, je suis terriblement solitaire : une main de menuisier suffit très largement à compter mes amis ! » déclare en rigolant le mari de Maria Mettral, avec laquelle il partage sa vie depuis plus de trente ans.

Des planches au tapis rouge
« Si, au théâtre, j’aime me mettre au service d’un texte, d’un metteur en scène ou d’un partenaire, au cinéma je flatte mon ego. » poursuit avec sincérité ce virulent comédien qui dit se sentir comme un poisson dans l’eau devant la caméra. Plusieurs films dans lesquels il a tourné en témoignent, dont « les petites couleurs » en 2002 de Patricia Plattner avec Bernadette Lafont, « deux femmes formidables … » dont il garde un souvenir ému.
Mais c’est le film de Jean-Luc Godard, « Adieu au langage » en sélection officielle 2014 qui le propulse sur le tapis rouge de Cannes. « J’ai vraiment cru à une blague lorsque j’ai reçu un téléphone de l’assistant de J-L Godard qui me demandait de participer à un casting pour son prochain film ! Après avoir lu deux ou trois textes et parlé de moi devant la caméra de nombreuses semaines se sont écoulées, à tel point que j’avais même oublié ce casting. Entre temps, bien sûr, des dizaines d’acteurs se pressaient au portillon pour le rôle ! Et un jour, cet assistant me recontacte pour me dire que Godard souhaitait me rencontrer… Au final, je me suis retrouvé chez lui, dans sa villa à papoter autour d’un café… une scène complétement surréaliste pour moi ! Au bout de deux heures il me dit : « quand est-ce qu’on commence ? Pendant le tournage, qui a duré près d’un an, je n’ai jamais eu l’impression qu’il me dirigeait ; on discutait, on blaguait, c’est un homme délicieux, une véritable icône du cinéma aux États-Unis , comme j’ai pu m’en rendre compte par la suite. Moi, j’aime le résultat, même si je sais que cela n’est pas un cinéma des plus accessibles. Quoiqu’il arrive, j’ai joué dans un film important de Godard!»

Du palace au bus 10
« Au festival de Cannes, j’ai vraiment vécu une vie de star ! Chauffeur privé, logé dans un palace et même raccompagné au pied de l’avion… mais quand je suis arrivé à Genève, j’ai pris le bus 10 pour rentrer chez moi. Si j’avais pris la grosse tête, elle aurait très vite dégonflé ! rigole Christian. Finalement, cela ne m’impressionne pas plus que ça, car c’est vraiment dû au hasard qui fait que tu es là au bon moment, au bon endroit, à condition qu’il y ait du talent derrière bien sûr ! Mais des acteurs talentueux il y en a beaucoup. »
Christian Gregori passe de Godard au film « L’amour est une fête » de Cédric Anger avec, comme partenaires, Gilles Lellouche et Guillaume Canet.Il s’est d’ailleurs magnifiquement bien entendu avec ce dernier : « Canet souhaitait que je tourne une scène dans la suite des « Petits mouchoirs », mais on s’est rencontré un peu trop tard, le scénario était déjà écrit ». Ce qui augure d’une future collaboration.
Cet été, le comédien a enchaîné avec le tournage de « La fête » (une de plus !), un conte philosophique de Dominique Othenin-Girard qui s’est déroulé en plein cÅ“ur de la Fête des Vignerons, dans lequel il interprétait un personnage un peu mystique aux pouvoirs chamaniques et …ramasseur de bouses de vache ! « Aucun spectateur n’a su qu’un film était tourné ce soir-là s’amuse le comédien. J’y aide une petite fille à retrouver son père – qu’elle ne connaît pas – et à la suite de divers indices, elle va apprendre qu’il est parmi les 5000 choristes. Le film raconte son parcours et j’ai toute une scène avec elle pendant le ranz des vaches ! » explique le comédien.
Est-il difficile pour lui de choisir entre le sixième et le septième art ? « Non, au théâtre il y a une projection obligatoire alors qu’au cinéma il faut tout ramener à l’intérieur à cause de la proximité de la caméra, les deux techniques me plaisent. Mais il y a aussi ce truc mystérieux à l’écran, car sur dix personnes filmées, il y en a qu’une que tu vois. Pourquoi ? C’est une cinégénie qui ne s’explique pas. Mais surtout, ce qui est épuisant dans le métier d’acteur c’est de dépendre du désir d’un autre » concède l’artiste. Et pourquoi pas l’inverse ? « J’ai écrit quelques pièces mais pour l’instant je les garde, c’est plus de l’ordre du privé. En revanche, je suis en train de rassembler des textes autour du suicide – qui me fascine intellectuellement – pour un solo sur scène au début de l’année prochaine. C’est un projet très important pour moi. »

L’acteur, un rôle essentiel
Cependant, Christian Gregori ne reste pas insensible à l’évolution du métier, d’autant plus qu’il a une fille qui prend le relai… Les acteurs sont de grands angoissés mais être constamment inquiet est un bon moteur créatif, selon lui. De plus, il a une opinion très élevée de l’acteur : « l’acteur est très important dans une société. Je considère que la barbarie apparaît quand l’empathie s’éteint. C’est quelqu’un qui tous les jours de sa vie, peu importe le style ou l’esthétique, se consacre à faire entrer en empathie les spectateurs avec son personnage. De ce fait, nous, les acteurs, sommes les premiers remparts à la barbarie, le trait direct entre le spectateur et un discours. Enlever les acteurs d’une société, et c’est le fascisme, d’ailleurs tous les régimes dictatoriaux éliminent en premier les artistes…Tant que tu peux te projeter dans la peau d’un autre, tu peux comprendre l’épreuve d’un autre… On devrait mettre le paquet sur les artistes et les enseignants, un homme éduqué ne se laisse pas aller à la violence, tu sors les poings quand tu n’as plus les mots… Les gens ne se rendent pas tous compte à quel point c’est important d’avoir du théâtre et du cinéma autour de soi. » conclut-il.

Christian Gregori est sur scène dans une pièce de Michel Viala « est-ce que les fous jouent-ils ? » aux AMIS musiquethéâtre, à Carouge, du 2 au 20 octobre, mise en scène par Philippe Lüscher. www.lesamismusiquetheatre.ch

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Grâce à Signé Genève, Nathaly a le privilège de pouvoir partager ses multiples passions: chemin de fer, histoire genevoise, rencontres avec les gens de son quartier et échanges avec des artistes sont ses thèmes favoris. Guide culturelle à ses heures, elle aime particulièrement faire découvrir les multiples facettes de Genève sous un angle original et insolite (www.geneve-en-balade.ch). Quand elle n'est pas à Carouge, sa ville de coeur dont elle connaît tous les recoins, Nathaly participe à l'organisation de voyages culturels et gourmands en Italie au sein de l'association INSOLitalia.





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